Justification du texte

Principes

Fondée sur le principe de la conception universelle1, la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services, aussi appelée « Acte européen d’accessibilité », a pour objet de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur par l’élimination et la prévention des obstacles qui entravent la libre circulation de certains produits et services. Elle promeut une société plus inclusive et facilite l’autonomie des personnes handicapées2 ainsi que d’autres personnes pouvant faire face à des limitations fonctionnelles, telles que les personnes âgées.

Parmi les produits et services qui entrent dans le champ de la directive, plusieurs relèvent du périmètre du secteur du livre numérique. L’article 2 de la directive susmentionnée mentionne ainsi, pour les produits, les liseuses numériques3 et, pour les services, les livres numériques4 et les logiciels spécialisés5. Ce champ se veut le plus large possible pour viser l’ensemble de la chaîne du livre puisqu’il recouvre également les sites de commerce électronique (dont ceux des détaillants de livres numériques), les services bancaires ainsi que les systèmes informatiques matériels à usage général du grand public et leurs systèmes d’exploitation, qui peuvent être utilisés également pour lire des livres numériques en dehors des liseuses.

Transposition de la directive dans le droit français

En France, les travaux de transposition ont abouti au niveau législatif avec la promulgation de la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne. La transposition dans le cadre légal français a permis de faire valoir des dispositions spécifiques aux livres numériques et logiciels spécialisés, introduites dans un nouvel article 48 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Un décret et un arrêté d’application, en date du 14 août 2023, et relatifs à l’accessibilité aux personnes handicapées des livres numériques et logiciels nécessaires à leur utilisation, ont parachevé la transposition de la directive 2019/882 dans le droit interne français. Ces deux textes détaillent les exigences spécifiques relatives aux livres numériques nativement accessibles ainsi que les exemptions possibles pour l’ensemble des opérateurs économiques de la chaîne du livre numérique, incluant les éditeurs, ainsi que les distributeurs, diffuseurs et détaillants restituant les fichiers et leurs métadonnées (en vertu de l’article 2 du décret d’application).

Les exigences d’accessibilité entreront en vigueur le 28 juin 2025 pour les livres numériques édités dès cette date, et devront en particulier, le cas échéant, faire l’objet d’évaluation par les éditeurs pour justifier d’une exemption pour modification fondamentale ou charge disproportionnée auprès de l’ARCOM. Les livres numériques édités avant le 28 juin 2025, toujours disponibles sur le marché à cette date, ne devront répondre aux exigences d’accessibilité qu’à compter du 28 juin 2030, faisant bénéficier les éditeurs d’un délai de 5 ans supplémentaires pour la remédiation de leurs catalogues.

Autorité en charge du contrôle

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a été désignée par la loi du 9 mars 2023 comme autorité de contrôle responsable de la mise en œuvre des obligations des opérateurs pour ce qui est du secteur du livre numérique. Les agents de cette autorité sont habilités à vérifier la conformité des livres numériques et des logiciels spécialisés aux exigences en matière d’accessibilité, et de l’évaluation justifiant de l’application d’une des exemptions prévues par la directive. Ils assurent également le suivi des plaintes, et vérifient que l’opérateur économique a pris les mesures correctives nécessaires pour répondre aux exigences d’accessibilité en cas de manquement.

Cette autorité est habilitée à rechercher et à constater les infractions en usant des pouvoirs définis à la section 1 et aux sous-sections 1 à 5 de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre V du code de la consommation.

Sanctions

L’article 5 du décret puni toute infraction aux obligations prévues par une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe. Cette amende est fixée à 7 500 euros maximum par infraction pour les personnes morales.

Exemptions

L’article 48 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 prévoit une exclusion de droit du champ d’application des obligations d’accessibilité ainsi que deux motifs d’exemptions :

  • Les microentreprises ne sont soumises ni aux exigences d’accessibilité mentionnées au présent article ni aux obligations qui y sont liées, considérant qu’il existe une forte présomption de charge disproportionnée pour ces entreprises. Une microentreprise recouvre une entreprise qui emploie moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 2 000 000 euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 2 000 000 euros.
  • Deux motifs d’exemption peuvent par ailleurs être mobilisés par les entreprises :
    • L’exemption pour modification fondamentale : la mise en accessibilité ne doit pas entrainer une modification qui viendrait changer la nature d’un livre numérique ou d’un logiciel spécialisé. Pour ce qui est des fichiers de livres numériques, et sous réserve du contrôle de l’ARCOM, cette exemption pourrait être principalement mobilisée pour les maquettes dites complexes comme les bandes dessinées, les livres pour enfants et les livres d’art. Néanmoins, aucune disposition législative n’exclue de droit ces catégories éditoriales de livres numériques du champ d’application des exigences d’accessibilité. Il appartiendra aux éditeurs de justifier cette exemption au cas par cas par une évaluation.
    • L’exemption pour charge disproportionnée : la mise en accessibilité ne doit pas entraîner une charge disproportionnée pour les opérateurs économiques concernés. Le décret d’application précise, dans son article 4, les critères d’évaluation du caractère disproportionné de la charge à faire valoir dans l’évaluation opérée par l’opérateur économique :
      • Le rapport entre les coûts nets de la conformité avec les exigences en matière d'accessibilité et les coûts totaux (dépenses opérationnelles et dépenses en capital) supportés par les opérateurs économiques pour produire, importer ou distribuer les services.
      • L'estimation des coûts et des avantages pour les opérateurs économiques, y compris en ce qui concerne les processus de production et les investissements, par rapport à l'avantage estimé pour les personnes handicapées, compte tenu de la quantité et de la fréquence d'utilisation d'un service.
      • Le rapport entre les coûts nets de la conformité avec les exigences en matière d’accessibilité et le chiffre d’affaires net de l’opérateur économique.

Cependant, les acteurs du livre numérique, notamment les éditeurs, doivent rendre le livre numérique le plus accessible possible dans des proportions telles qu’elles ne lui imposent pas une charge disproportionnée.

Il reviendra aux opérateurs concernés du secteur du livre numérique, notamment aux éditeurs, en raison de la connaissance détaillée qu’ils ont du processus de conception et de production, d’apporter la preuve, à travers une évaluation, que l’application d’une exemption est justifiée. Il revient aussi à ces opérateurs d’informer l’ARCOM lorsqu’ils font usage de l’une de ces exemptions, conformément à l’article 3 du décret d’application. Sont reconnues comme illégitimes devant l’autorité de contrôle l’absence de priorité de l’éditeur, le manque de temps ou de connaissances de ses obligations.

Ces exemptions s’appliquent par livre numérique et doivent être renouvelées lorsque le livre numérique est modifié, à la demande de l’autorité chargée du contrôle et, enfin, au moins tous les cinq ans.

Dispositif d’exception au droit d’auteur

La directive ne modifie pas l’exception au droit d’auteur pour les personnes en situation de handicap.

En France, cette exception est prévue au 7° de l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle. Ce dispositif permet à des organismes habilités d’adapter toute œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur pour répondre aux besoins d’accessibilité d’une personne en situation de handicap, sans avoir ni à demander l’autorisation des titulaires de droits, ni à les rémunérer.

Plus d’informations sur ce dispositif sont disponibles sur le site du ministère de la culture.


Notes

  1. Le considérant 50 de la directive souligne que ces nouvelles exigences de production doivent tendre vers une « conception universelle », c’est-à-dire une conception qui, dans la mesure du possible, ne nécessite pas une conception spéciale. Pour ce qui est du livre numérique, la généralisation du format Epub 3 répond à cette « conception universelle » de l’accessibilité.

  2. Telles que définies par la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13 décembre 2006, à laquelle l’Union européenne est partie depuis le 21 janvier 2011 et que tous les États membres ont ratifiée.

  3. L’article 3 définit la liseuse numérique comme « un équipement spécialisé, comprenant tant le matériel que le logiciel, utilisé pour accéder à des fichiers de livres numériques, naviguer à l’intérieur de ceux-ci, les lire et les utiliser ».

  4. La définition des livres numériques retenue est celle de l’article 1er de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique. Le décret n° 2011-1499 du 10 novembre 2011 pris en application de cette loi précise cette définition.

  5. L’article 3 définit le livre numérique et le logiciel spécialisé comme « un service consistant à fournir des fichiers numériques transmettant une version électronique d’un livre, auquel l’utilisateur peut avoir accès, dans lequel il peut naviguer et qu’il peut lire et utiliser, ainsi que le logiciel, y compris les services intégrés sur appareils mobiles, y compris les applications mobiles, spécialisé pour l’accès à ces fichiers numériques, la navigation à l’intérieur de ceux-ci, leur lecture et leur utilisation ».

Ressources

Le texte de la directive

Transpositions en droit français